Le compagnonnage, au-delà de la controverse, des combinaisons productives

Le compagnonnage est une pratique ancestrale, basée sur l’observation et la pratique, qui est de plus en plus confirmée par les recherches scientifiques. Cette stratégie consiste à réunir des espèces de légumes, de fines herbes et de fleurs comestibles afin que les uns bénéficient de certaines capacités répulsives, attractives, contributives et protectrices des autres.

Depuis des siècles, les horticulteurs associent des légumes entre eux. Une des plus vieilles associations connues est celle dite des trois sœurs : maïs, haricots et courges. Mise au point par les Aztèques, sa version la plus aboutie date du début 13e siècle. Dans les pays tempérés, les observations étaient basées sur les associations de graminées et de légumineuses dans les prairies naturelles.

Comme, à l’instar de nombreuses techniques horticoles anciennes, le compagnonnage a fait l’objet de nombreuses critiques, les chercheurs se sont penchés sur le sujet. Il existe aujourd’hui plusieurs dizaines d’études fiables réalisées par des centres de recherche, et qui ont été publiées à travers le monde. Près d’une centaine d’associations de légumes ont été testées. Leurs résultats sont variables, allant d’une faible (+ 1 %) à une très forte (+ 110 %) augmentation de la productivité. Ces recherches ont été principalement menées dans les pays dits émergents, rarement en Europe ou en Amérique du Nord, c’est pourquoi certaines personnes allèguent que celles-ci n’existent pas. On sait aujourd’hui que le compagnonnage n’est pas une approche qui permet d’éradiquer les insectes ravageurs et de se débarrasser totalement des maladies. On a maintenant établi qu’en mode curatif les effets sont réduits. Par contre, en mode préventif, on assiste souvent à une réduction des dégâts. Ces diminutions sont plus ou moins significatives selon les plantes utilisées, mais surtout les pratiques culturales. C’est avant tout un moyen de contrôle, mais pas un moyen de lutte!

Le bienfait le plus important du compagnonnage de plantes comestibles est sans conteste l’augmentation de la biodiversité au potager. En associant les plantes, on élimine la monoculture et on réduit le temps consacré à plusieurs interventions.

Le compagnonnage permet d’atteindre plusieurs autres objectifs. Il facilite un contrôle biochimique partiel des insectes ravageurs et des maladies. En créant des habitats bénéfiques pour les insectes prédateurs et les parasites, il participe activement à la réduction des populations d’insectes ravageurs. Les associations servent aussi à implanter des interrelations physiques, comme l’apport d’ombre où la protection contre le vent à des plantes spécifiques, à installer des barrières physiques qui dérouteront les insectes ravageurs à la recherche de leurs proies et à la mise en place de plante-pièges qui seront détruits une fois infestées. Le compagnonnage a aussi des effets bénéfiques au niveau du sol. Les fabacées ajoutent de l’azote qui sera utilisé par les autres plantes. Des légumes dont l’enracinement superficiel côtoie ceux à enracinement plus profond « travaillent » le sol différemment et permettent aussi une gestion optimale de l’eau. Finalement, les associations contribuent à une meilleure organisation de l’espace. Il est intéressant de noter que tous ces bienfaits sont en interrelation.

Si, dans la majorité des cas les associations sont positives, il en existe qui sont négatives. Par exemple quand une plante haute fait de l’ombre à des plantes qui demandent beaucoup de soleil. Quand les racines d’une plante sécrètent des composés chimiques qui empêchent la bonne croissance d’autres plantes. Quand des légumes entrent en concurrence pour l’eau ou les nutriments.

On devrait se méfier des listes d’associations. En effet, celles-ci n’indiquent que très rarement la stratégie d’association. Certaines préconisent l’association de plantes de la même famille, alors que d’autres proposent leur éloignement. C’est pourquoi les listes sont contradictoires. Comme, la plupart du temps, les auteurs n’indiquent pas sur quels critères ils se basent, il est très difficile de s’y retrouver et donc d’obtenir des résultats probants. On privilégie donc les sources qui donnent plus d’informations.

Si la plupart des associations se font entre légumes, on peut aussi leur associer les fleurs comestibles et les fines herbes. Ces dernières ont même un rôle important à jouer. En effet, nombre d’entre elles repoussent les insectes ravageurs, créent de la confusion olfactive et désorientent les sens visuels des ravageurs. De plus, elles attirent les insectes pollinisateurs et les insectes bénéfiques. Dans certains cas, elles réduisent la présence des maladies. Alors, au lieu de faire un jardin de fines herbes, on peut inclure celles-ci directement dans les planches, avec les légumes. Pour les éphémères c’est facile, on les installe au moment de la mise en place du potager. Pour les permanentes, il suffit de les déplacer au fur et à mesure des rotations.

Les associations de plantes comestibles ne permettent pas de remplacer totalement les biopesticides, mais elles en facilitent la diminution. Pour cela, il est important d’installer les plantes compagnes au moment de la plantation. La « protection » doit se faire dès le départ, car une fois les dégâts apparus, la mise en place d’association n’a presque plus aucun effet. Le compagnonnage est un des outils en culture biologique qui permet de réduire l’utilisation des biopesticides. Cette pratique doit être mise en place en combinaison avec la stratégie de la bonne plante à la bonne place, les rotations, le respect des bonnes distances de plantations, l’utilisation des filets anti-insectes et des apports en bonnes quantités de matières fertilisantes et d’eau.

Finalement, la méthode du compagnonnage est-elle mensongère ou véritable? Les opposants au compagnonnage disent que c’est une pratique mensongère alors que les adeptes y trouvent toutes sortes davantage. En fait, la réponse dépend de ce que l’on attend. Si l’objectif est une éradication totale des insectes ravageurs et des maladies, alors cette pratique est mensongère. Si on l’utilise comme une des stratégies en jardinage biologique pour établir un équilibre naturel au jardin, alors elle est efficace. À noter que les adeptes du compagnonnage n’ont jamais avancé que celui-ci était la solution au remplacement des pesticides. Cette affirmation est plutôt le fait de ces détracteurs.

Le compagnonnage peut aussi être associé à la technique des rotations. Écoutez à ce sujet le balado : Les rotations ou l’alternance bénéfique au potager.

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