Nourrir la plante ou prendre soin du sol pour nourrir la plante?

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le sol est un milieu qui conserve encore de nombreux secrets. Dans les faits, les recherches apportent constamment de nouvelles informations. Elles viennent remettre en cause celles largement acceptées à la sortie de la Deuxième Guerre mondiale. À cette époque, comme il fallait nourrir des millions de personnes dans des conditions difficiles, l’agriculture, et parfois aussi le maraîchage, en se basant sur les données en sa possession, a pris la direction de la production à grand volume. Pour cela, le sol est devenu un support à la plante. Par une fertilisation massive rapidement assimilée, en « nourrissant la plante », on a grandement augmenté les rendements.

Après quelques décennies, quand on a commencé à voir apparaître des problèmes d’infertilité, on s’est rendu compte que le sol est beaucoup plus qu’un support et qu’il est très vivant. C’est pourquoi aujourd’hui les spécialistes de la production biologique émettent l’idée qu’il faut « prendre soin du sol pour nourrir la plante ». Par là, ils veulent indiquer que ce sont les caractéristiques d’un sol qui en font sa productivité. C’est en mettant en adéquation les sols vivants et les plantes que l’on obtient les meilleurs résultats à long terme.

Il existe une énorme différence entre les deux concepts. Dans celui de « nourrir la plante », le sol devient un support pour les racines et un milieu où l’on ajoute des fertilisants facilement assimilables de manière massive afin de pousser les plantes à produire davantage et plus rapidement. Si l’on obtient ainsi des rendements parfois astronomiques, cela se fait au détriment de la vitalité et de la résistance des plantes, de la qualité du sol et de la santé humaine. Les apports importants d’engrais de synthèse, dont une bonne partie est lessivée avant d’avoir servi à la plante, vont dans de très nombreux cas, acidifier les sols. Ils vont aussi modifier l’équilibre naturel, rendant les plantes plus sensibles aux parasites. L’ajout de pesticides et d’engrais dans le sol va amener, à plus ou moins long terme, à la dégradation de sa vie biologique qui peut aller jusqu’à le rendre incultivable. Dans le concept, « prendre soin du sol pour nourrir la plante », les producteurs tiennent compte de la vie du sol et ils s’en font un allié. Ils veulent obtenir des rendements acceptables, dans un milieu biologiquement sain et productif à très long terme, de manière à fournir des aliments goûteux et bons pour la santé humaine.

Un sol en santé est un sol qui a une rhizosphère en santé. Il s’agit de sa zone la plus vivante. Elle est située au même niveau que les racines superficielles. Dans un potager, sa hauteur varie de 10 à 20 centimètres. Les spécialistes du sol estiment que c’est elle qui fait, en grande partie, la fécondité du couple sol et plante. C’est une zone riche en micro-organismes et en organismes décomposeurs. La présence de la macrofaune est assez facile à évaluer, car elle est faite de vers de terre, de mille-pattes, des cloportes, etc. Pour la microfaune, composée de protozoaires, de nématodes et d’acariens non ravageurs, et la microflore qui abrite des mycorhizes et des bactéries non pathogènes, les observations à l’œil nu sont plus difficiles. L’existence de filaments blancs sur les racines peut être l’indice de la présence de mycorhizes ou d’autres micro-organismes bénéfiques. La présence de matière organique en décomposition est un bon indice. Malheureusement, pour quantifier la microflore et la microfaune, il faut avoir recours à des analyses qui sont très coûteuses.

Cette approche oblige à revoir la définition de ce qu’est un « bon sol ». En fait, parler d’un bon sol, d’un sol idéal, sans parler des plantes est un non-sens. En effet, toutes les plantes n’ont pas les mêmes besoins en nutriments, car, dans leur milieu d’origine, elles ne vivent pas dans les mêmes conditions écologiques. Certaines vivent dans un sol riche, d’autres dans un sol moyennement riche et d’autres dans un sol pauvre. Elles n’ont pas non plus les mêmes besoins en eau. Certaines sont assoiffées, d’autres moyennement assoiffées et d’autres encore sobres. Au potager il faut donc « adapter » le sol, notamment par la rotation et les arrosages, en fournissant aux plantes les conditions qu’elles affectionnent.

Une mauvaise adéquation entre l’espèce de plante et le sol aura une influence sur la présence des insectes ravageurs et des maladies. Par exemple, une plante qui pousse naturellement dans un sol pauvre donnera des résultats décevants dans un sol riche. Elle sera sujette à des problèmes de croissance et à des attaques de parasites. Le contraire est aussi vrai. D’où l’importance de distinguer les types de sols.

Bien qu’il existe des milliers de possibilités, on distingue généralement quatre grands types de sols. Les sols argileux ou glaiseux ont une granulométrie très fine, une texture lourde et ils sont plus ou moins riches. Les sols limoneux ont une granulométrie fine et une texture granuleuse, ils sont en général assez riches. Les sols humifères sont des sols limoneux qui contiennent une bonne quantité de matière organique et ce sont les sols les plus riches. Les sols sablonneux ont une granulométrie plus ou moins grossière, une texture très granuleuse et ils sont généralement assez pauvres.

Il existe plusieurs méthodes pour déterminer la nature du sol du potager. La première consiste à identifier un sol par sa capacité à retenir l’eau. Après un arrosage abondant, l’eau reste sur le sol et prend du temps avant d’y pénétrer : le sol est plutôt argileux. L’eau reste sur le sol, mais s’y infiltre après quelques minutes : le sol est passablement limoneux ou humifère. L’eau disparaît rapidement : le sol est plutôt sablonneux. La deuxième méthode est basée sur l’observation. À l’aide d’une pelle, on creuse un trou. Si le sol est compact, collant quand il est humide, difficile à travailler, il est principalement composé d’argile. S’il est plus ou moins dense, plutôt souple, on a affaire à un sol essentiellement limoneux ou humifère. S’il est friable et facile à travailler, il est surtout sablonneux. La troisième technique consiste à observer sa plasticité. On prend de la terre, on l’humidifie et on en fait un boudin. Si le boudin s’effrite, le sol contient en majorité du sable. Si le boudin est malléable, mais se casse en gros morceaux, il est principalement composé de limon et d’humus. Si l’on est capable d’en faire un cercle sans qu’il se casse, la présence d’argile est forte. Comme il existe une très grande variété de sols, c’est la conjugaison de toutes ces techniques qui permet de déterminer sommairement la texture d’un sol.

L’autre élément important de la vie du sol est la matière organique. Cette substance compose les êtres vivants, qu’ils soient végétaux, animaux ou micro-organismes. Elle est essentiellement constituée d’eau et de carbone, ainsi que des éléments chimiques tels que l’oxygène, l’azote, l’hydrogène ou le phosphore. Dans le sol, la matière organique est composée de résidus de végétaux et d’animaux en décomposition. Sous l’action de l’érosion, des micro-organismes, de l’oxydation naturelle et de processus physico-chimiques complexes, cette matière en décomposition se transforme en matière minérale, assimilable. Au jardin, la forme de matière organique la plus connue, la plus aboutie sous forme d’humus et la plus utilisée est le compost.

Il existe plusieurs formes de matière organique qui correspondent à un stade de décomposition. La matière organique fraîche est non décomposée, la matière organique active est partiellement décomposée et la matière organique stable ou minéralisée est en fait ce que l’on nomme l’humus. C’est la forme de matière organique la plus utile à la vie du sol. Si elle ne représente, en général, que 0,5 à 10 pour cent de la masse du sol, la matière organique y joue un rôle important.

En effet, elle sert de liant entre argile, limon et sable, ce qui fait qu’elle modifie la structure du sol le rendant généralement plus stable, lui donnant ainsi plus de perméabilité, une meilleure aération et une augmentation de sa capacité de rétention en eau. La matière organique stimule l’activité biologique du sol et, une fois décomposée, elle est un stabilisateur du pH. Dans sa phase de minéralisation, elle assure la rétention et la mise à disposition des éléments nutritifs nécessaire à la croissance des plantes. Finalement, la matière organique retient les micropolluants organiques et les pesticides, ce qui permet aux micro-organismes de les dégrader, participant ainsi au maintien de la qualité de l’eau et la salubrité des plantes.

Il faut aussi prendre en compte le fait que les travaux du sol lors de la culture modifient son équilibre. L’ajout d’amendements sous forme de compost ou de biochar par exemple, de mycorhizes ou encore de biostimulants (pour plus d’informations écoutez Biostimulants et mycorhizes: des alliès pour la santé des sols et des plantes) va aider à retrouver cet équilibre. Finalement, des ajouts de matières organiques et une vie intense de la rhizosphère permettent de séquestrer du carbone, ce qui est intéressant dans cette période de changement climatique due à une libération trop importante de gaz carbonique dans l’atmosphère.

En complément: Les multiples bienfaits des amendements et La fertilisation, et oui c’est assez simple.

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